La courte échelle
- Nathalie Barre Tricoire

- 2 avr. 2020
- 4 min de lecture
Chronique d'avril 2020

Comment rédiger une chronique sur l’entreprise sans parler de gestion de crise alors que nous devons faire face à une crise sans précédent ?
Cette situation nous rappelle notre vulnérabilité mais aussi notre force de réaction. Elle nous oblige à considérer l’essentiel et, en nous éloignant les uns des autres par nécessité, nous rapproche par le collectif.
Elle contraint la majorité d’entre nous à ralentir, à rester calfeutrés presque sans bouger, à suspendre le temps qui n’arrête pas de s’étirer alors qu’à côté, il y a la tempête, la course contre la montre pour s’organiser, le besoin de temps pour faire face, pour sauver des vie ou assurer la vie.
Ce paradoxe permet de réfléchir au sens…au sens de ce qui est impérieux : protéger les plus fragiles, mettre au-dessus de tout, l’esprit de solidarité et de générosité dans la discipline collective. Et on réfléchit alors, parfois différemment, à la « raison d’être » de nos entreprises…
Dans un baromètre 2019 publié par PWC, 60 % des dirigeants d’entreprise se disaient « extrêmement » ou « plutôt » préoccupés par leur capacité de réponse à une crise. Mais pensaient-ils à ce type de crise ? Si l’on en juge par les risques les plus fréquemment cités, les craintes les plus redoutées n’imaginaient pas un risque sanitaire et encore moins un scénario de confinement de la population entraînant un arrêt quasi-total de la production et de la consommation, non seulement au niveau d’une entreprise ou d’un pays mais aussi de toute l’économie mondiale.
Les résultats d'une autre enquête sur les risques majeurs menée en 2019 par le cabinet Grant Thornton auprès d’un panel de plusieurs centaines de dirigeants d’entreprises font ressortir le risque de « vulnérabilité des systèmes d’information » comme cause principale d’exposition aux risques (45 % des personnes interrogées) alors que les risques environnementaux naturels ou sanitaires ne sont cités que par 3 %. Les causes redoutées ne sont pas toujours celles à l’origine des événements vécus.
Alors, peut-on se préparer et anticiper une telle situation grâce à des plans de continuité ou des dispositifs de gestion de crise ? De nombreux secteurs comme le commerce, le transport ou le tourisme sont paralysés parce que la demande a disparu…pour un temps encore inconnu, et, en tout état de cause, bien trop long pour ne pas laisser des cicatrices quel que soit le soutien des Etats. Les Etats, eux-mêmes, devront, à leur tour, faire face au défi de leur financement, alors même que la situation « de départ » était déjà préoccupante.
Pour autant, les entreprises ont le devoir d’anticiper les risques afin d’en réduire les effets même si cela peut paraître dérisoire et parfois inutile…. La préparation, à chaque niveau, est toujours salutaire car elle développe la confiance entre les personnes et conduit parfois, à des audaces surprenantes.
La mise en place accélérée du télétravail aura sans doute été plus simple pour les entreprises qui l’avaient déjà expérimenté. Et l’imagination de solutions inimaginables « en temps calmes » prennent alors symboles de miracles : pour n'en citer qu'un exemple, Peugeot et Renault, constructeurs automobiles, se transforment en constructeurs de respirateurs artificiels en liaison avec d’autres industriels ! Quand on parle de « transformation » pour désigner la numérisation de certains secteurs d’activité, on ne trouve plus le terme adéquat pour définir ce changement radical de production!
Mais, c’est bien l’expertise accumulée quel que soit le secteur, l’organisation apprise au fil des années, le fonctionnement basé sur la confiance et le respect mutuel en équipe et la volonté d’aider qui rendent possible cette rupture.
Cette capacité de réaction rapide permet une gestion de crise, parfois inédite car la situation est inédite, et peut aussi avoir une influence considérable pour la « sortie de crise » et pour le retour à l’activité.
Car, quel que soit l’impact de cette crise humaine dramatique sur les économies et sur les entreprises, ce sont avant tout les liens renforcés ou créés et les nouveaux modes de fonctionnement imaginés en confiance entre les femmes et les hommes qui permettront le redémarrage. Plus que jamais, l’entraide et la solidarité n’ont été au cœur de ce qui anime les relations inter personnelles dans le monde de l’entreprise et dans la société. Le soutien de chacun à chacun, la courte échelle de l’un à l’autre permet de construire demain et de garder l’espérance pour repartir plus forts sans être tout à fait les mêmes.
Une étude démontre que les entreprises perçues comme ayant bien réagi à une crise ont vu une augmentation moyenne de 22 % de la valeur de leurs actions (source : PwC’s Global Crisis Survey 2019).
Les entreprises qui pourront s’appuyer sur une forte cohésion interne renforcée par une confiance dans le management diffusée à tous les niveaux auront un collectif différent après la crise et pourront compter sur lui pour construire l’avenir.
Anticiper pour mieux agir, c’est aussi rester humble et savoir que l’avenir est fait d’incertitudes et que face à l’incertitude, la seule préparation est d’apprendre à faire front ensemble.
Prenez soin de vous, ensemble, prenons soin de tous.



oui, la confiance dans le management et la cohésion de l'ensemble de l'entreprise.. sont les clés de la reprise!
Très bel article Nathalie. Je l’ai relu plusieurs fois pour m’en imprégner.